Comme toute bonne startup américaine (et en l’espèce new-yorkaise) qui se respecte, l’histoire d’Etsy commence par un (classique) exercice de storytelling.
En 2005, un charpentier, artiste-peintre, photographe du nom de Rob Kalin fabrique, de la façon la plus artisanale qui soit, un ordinateur tout en bois qui a toutes les peines du monde à commercialiser sur Internet. Qu’a cela ne tienne! En l’absence de canaux de distribution adéquat pour diffuser sa création, Rob Kalin décide de fonder sa propre place de marché. Une plate-forme de vente d’objets issus de l’artisanat et de l’art. Etsy est né.
Rob Kalin quittera l’aventure en 201. La startup est aujourd’hui dirigée par Chad Dickerson, un ancien de Yahoo! 10 ans après sa naissance, Etsy prépare son introduction en bourse et plus précisément au Nasdaq, le marché des valeurs technologiques.
Le document de préparation a été déposé mercredi 4 mars auprès de la SEC (Security Exchange Commission), l’autorité de régulation américaine du marché boursier. Etsy, qui a racheté en juin 2014, son concurrent français A Little Market, souhaite lever entre 100 et 300 millions de dollars à l’occasion de cette prochaine introduction en bourse.
26 millions d'articles
Le groupe Internet compte désormais 685 collaborateurs (dont 51% de femmes), et affiche un chiffre d’affaires en hausse de 56% sur l’année 2014, à 196 millions de dollars. Des revenus provenant pour partie des frais de commission prélevés sur les ventes réalisées sur la plate-forme.
En 2014, Etsy a également enregistré 15,2 millions de dollars de pertes contre tout juste 796 000 dollars l’année précédente.
Mais avec 88 millions de dollars de trésorerie, le groupe Internet a encore de quoi voir venir. Etsy c’est aussi 26 millions d’articles en vitrine, 1,4 million de vendeurs et 19,8 millions d’acheteurs… Sur le papier (craft) la réussite est donc là. Pourtant à y regarder de plus près le parcours d’Etsy n’a rien d’un long fleuve tranquille.
Etsy et les Eatsy
Car, pour certains utilisateurs (ou utilisatrices) de la première heure, Etsy, a aujourd’hui bel et bien perdu son âme. Mais peut-être n’est-ce là qu’un passage obligé pour une startup dont les “early adopters” se sentent “propriétaires” alors qu’ils n’en sont même pas actionnaires…
On peut dater la rupture entre une partie de la communauté des utilisateurs du service et Etsy à l’automne 2013. Un période à laquelle Etsy décide de changer ses conditions d’utilisation pour autoriser la vente (massive) sur la plate-forme de produits manufacturés, aux côtés de créations artisanales qui seules avaient jusqu’ici leur place.
Un très bon calcul dans la perspective d’une introduction en bourse, mais qui nécessite fatalement de laisser quelques utilisateurs sur le chemin. Aujourd’hui pourtant, Etsy, s’accroche encore à son image de place de marché (même partiellement) dédiée aux créations artisanales et cultive son côté “hipster” depuis son siège de Brooklyn.
Exemple, deux fois par semaines, Etsy organise les Eatsy, des repas en commun qui parfois prennent la forme de picnics où tout ce qui est au menu, provient d’une ferme locale, en circuit court, de Red Hook (Brooklyn). Autre exemple, plus financier celui-là. A l’occasion de sa prochaine introduction au Nasdaq, Etsy, qui a confié le dossier aux banques d’affaires Goldman Sachs et Morgan Stanley, a choisi (fait inhabituel) de proposer (c’est-à-dire de réserver) 5% des actions mises sur le marché à des investisseurs individuels et à ses propres clients.
Ordinairement, un prix d’action est fixé avant l’introduction en bourse, mais ces titres ne peuvent être souscrits, au prix initial, avant la cotation officielle (c’est-à-dire publique) que par les grands investisseurs de Wall Street, ou les clients des grandes banques d’affaires. Ce qui permet à ce petit monde de bénéficier de la dynamique de cotation bien en amont de l’épargnant lambda.
Pour bénéficier de cette mesure exceptionnelle les particuliers (clients d’Etsy) devront toutefois être titulaires d’un compte chez Morgan Stanley et résider aux Etats-Unis… Dans la limite de 2500 dollars par investisseur.