Première parution / 11 août 2016
Nous sommes en 2016, et rien ne vaut un bon article sur les stratégies d’optimisation fiscale d’un groupe Internet, pour sortir de leur torpeur estivale, journalistes, responsables syndicaux et politiques…
Dernier exemple en date (après Apple, Facebook, Amazon, Google…), Airbnb. Selon une enquête publiée par Le Parisien qui a pu (ce qui est le minimum en la matière) consulter les comptes de la société, le groupe Internet vrai-faux icône de l’économie dite « collaborative », n’aurait payé (en toute légalité) que 69 168 euros d’impôts en France en 2015 (soit une baisse de 18% du montant par rapport au montant acquitté en 2014).
L’explication est simple. Pour tout ce qui concerne les services d’Airbnb en France (qui est aujourd’hui le premier marché mondial du groupe Internet), les versements effectués par les clients atterrissent dans deux sociétés étrangères, l’une irlandaise, l’autre britannique, deux espaces fiscaux où (on l’aura deviné) le taux d’imposition est bien moins important qu’en France.
La France, premier marché mondial d'Airbnb
Au final, la seule structure Airbnb à payer ses impôts en France, est la filiale locale du groupe Internet (SARL Airbnb France) qui ne s’occupe que des activités marketing et promotion de la marque dans le pays, une prestation pour laquelle elle a dégagé en 2015 un chiffre d’affaires de 4,96 millions d’euros et un bénéfice de 166 373 euros, détaille Le Parisien.
MISE A JOUR / 12 août 2016
Par ailleurs, comme l’indique LeMonde.fr, en 2014 et en 2015, Airbnb qui a réalisé entre septembre 2014 et août 2015 en France un chiffre d’affaires situé entre 55 millions et 69 millions d’euros a (également) bénéficié sur les années 2014 et 2015 du CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi), pour un montant total de 24 714 euros.
« Airbnb se conforme aux lois fiscales dans les pays où nous exerçons nos activités », se défend l’entreprise, citée par Le Parisien. Pour être complet, il est en effet juste d’ajouter qu’Airbnb s’est résolu à élargir, autant que faire se peut, la collecte de la taxe de séjour en France (Cf. NewZilla.NET du 15 juin 2016).
Pour mémoire, Airbnb vient de lever il y a quelques jours 850 millions de dollars pour accompagner la diversification (Cf. NewZilla.NET du 5 août 2016) de ses activités et son expansion à l’internationale. Et le groupe Internet est désormais valorisé autour de 30 milliards de dollars (Cf. NewZilla.NET du 30 juin 2016).
Le député PS du Cher et spécialiste de la lutte contre la fraude fiscale, Yann Galut (qui devait bien se douter tout de même que quelque chose ne tournait pas vraiment rond en la matière…) a réagi avec véhémence. « C’est une absurdité totale ! Il est urgent que Bercy mais aussi nous les parlementaires puissions doter l’administration fiscale des outils juridiques pour obliger Airbnb à acquitter un juste impôt en France », déclare le parlementaire, cité par l ‘AFP.
Si les différentes stratégies d’optimisation fiscale aujourd’hui mises en place par les groupes Internet, avec la complicité de bataillons d’avocats fiscalistes, n’ont absolument rien d’illégal, elles conduisent à s’interroger sur le positionnement éthique de ces sociétés.
Dans le cas d’un groupe comme Airbnb, il n’est pas interdit de penser qu’une application (plus) stricte voire (plus) respectueuse du concept et du précepte « d’économie du partage » pourrait conduire au versement d’impôts plus conséquents en France.
Des impôts qui pourraient ainsi être consacrés à la santé, à l’éducation ou à la recherche. Or, pour l’instant, avec 69 168 euros, et avec la meilleure volonté du monde, on ne va pas très loin en matière d’investissement public.