Dans la presse en ligne qui (est-il besoin de le rappeler?) se cherche encore un modèle économique, il y a plusieurs catégories de sites. Certains décident de faire avec les (souvent très modestes) moyens du bord. D’autres, pour étoffer leur offre éditoriale (et leur référencement) misent sur l’égo des internautes, d’experts, de consultants, ou de blogueurs du dimanche.
Le syndrome du "win-win"
Emportés qu’ils sont par le syndrôme du “win-win”, trop heureux d’être publiés (comme s’ils ne pouvaient pas le faire eux-mêmes), et bien souvent d’assurer la promotion de leur actvité professionnelle, ceux-ci fournissent alors gracieusement contre une éphémère visibilité des articles, des tribunes, ou des éditoriaux aux supports (Cf. HuffingtonPost.fr, Atlantico.fr, Le Plus du NouvelObs…) qui dans leurs grandes mansuétudes acceptent de les héberger.
Mais il y a aussi, à l’instar du site d’informations culturelles Evene.fr, des sites (dotés du statut d’entreprise de presse en ligne) qui poussent l’audace jusqu’à payer des années durant des journalistes, non en salaire, mais en “droits d’auteur” Agessa.
4 000 euros de dommages et intérêts par salarié
C’est cette pratique qu’a condamné le 17 décembre dernier la 31e Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris.
La société Evene, éditrice du site Evene.fr, propriété du Groupe Figaro depuis 2007, a été condamné pour “travail dissimulé”, établi sur procès verbal en 2010 par une inspectrice du travail.
A l’audience du 12 novembre, celle-ci avait souligné l’existence de travail dissimulé à large échelle et dénoncé le plan de licenciements économiques qui s’en était suivi, indique le SNJ dans un communiqué.
Le président d’Evene et directeur adjoint du Figaro, Pierre Conte, a tenté (en vain) de présenter Evene.fr comme une sorte d’encyclopédie regroupant des « notices » rédigées de leur propre initiative par des « contributeurs » indépendants.
Au final Evene devra payer une amende de 25 000 euros ainsi que 4 000 euros de dommages et intérêts par salarié concerné. Pour le SNJ (Syndicat national des journalistes) et Me Zoran Ilic, avocat des parties civiles « c’est une très belle victoire qui constitue un précédent ».
39 anciens salariés aux prud'hommes
Le SNJ dénonce aujourd’hui la duplicité d’entreprises qui bénéficient des aides à la presse tout en bafouant les droits sociaux de leurs journalistes.
Prochaine étape les prud’hommes de Paris, où 39 anciens salariés d’Evene soutenus par le SNJ réclament la re-qualification de leurs prestations en contrat de travail, la reconnaissance de la qualité de journaliste professionnel et l’absence de motif économique pour la rupture du contrat de travail.