Xavier Niel, patron de Free, co-actionnaire du quotidien Le Monde, et aujourd’hui en lice pour reprendre l’agence de photo Sipa Press, ne goûte que très peu la critique, qui pour lui relèverait même plutôt du “dénigrement”. Après avoir obtenu l’autorisation de la justice, l’homme a ainsi récemment fait fouiller l’ordinateur d’un universitaire, Bruno Deffains, professeur d’économie à l’université de Paris-II Panthéon-Assas.
L’information est révèlée sur le site Internet du Nouvel Observateur (dont le propriétaire Claude Perdriel fut un candidat malheureux au rachat du Monde), sous la plume d’Odile Benyahia-Kouider (auteure du livre “Un si petit Monde” sur le rachat du quotidien du soir par le trio Xavier Niel, Pierre Bergé, Mathieu Pigasse).
En l’espèce, Xavier Niel reproche au chercheur d’avoir fait paraître le 11 juin 2012 dans le quotidien économique Les Echos un article intitulé « Free : quand l’idéologie de la concurrence dessert l’économie ». Article qu’il soupçonne d’avoir été “commandé par un tiers”, comprenez un concurrent de Free…Dans sa tribune Bruno Deffains affirmait en effet que la baisse totale du chiffre d’affaires dans le secteur des télécoms mobiles (opérateurs, équipementiers, etc.) provoquée par le lancement de Free Mobile – qu’il estime à 6,5 milliards d’euros – va entraîner la destruction nette de 55.000 emplois dans les deux années suivantes.
« Dans cette affaire, il y a une double instrumentalisation de la justice », estime Me Thibault de Montbrial, avocat du défendeur, l’universitaire Bruno Deffains.“D’abord, il y a une tentative d’intimidation et d’isolement de mon client, qui vise à limiter ses interventions dans le débat public” explique-t-il au Nouvel Observateur. “Et puis cette saisie informatique non contradictoire permet à Free de mettre la main sur des documents confidentiels concernant ses concurrents ! »…
En novembre 2012 une journaliste des Echos avait récolté une mise en examen pour diffamation suite à une plainte déposée par Free Mobile, filiale d’Iliad, la société créée par Xavier Niel. Aujourd’hui, le patron de Free attaque pour dénigrement un universitaire qui ose tenir un discours critique à l’encontre de sa société. Drôle de (ou plutôt triste) conception de la liberté d’expression.