Détenu depuis quatre générations par la famille Graham, le Washington Post vient d’être revendu pour 250 millions de dollars au fondateur d’Amazon.com, Jeff Bezos. A noter, si la transaction comprend sept titres régionaux en sus du Post, des titres comme Slate ou Foreign Policy ne font pas partie du deal.
A titre indicatif, 250 millions dollars, c’est un quart de la somme payée par Facebook et Mark Zuckerberg pour mettre la main sur Instagram (ses dizaines de millions d’utilisateurs et ses quelques dollars de chiffre d’affaires). Voilà qui en dit long sur l’état de la presse aujourd’hui et ses perspectives de croissance.
En dix ans, la diffusion du Washington Post (474 767 exemplaires en moyenne en 2012) a chuté de 40%. Le quotidien a perdu 54 millions de dollars l’an dernier et son bâtiment historique est à vendre. En 2012, le chiffre d’affaires du Post enregistrait un recul de 7% et ses recettes publicitaires une baisse de 12%. Pour tenter de relever la barre, le quotidien américain a lancé au mois de mars dernier un formule de «paywall», c’est-à-dire la consultation payante des articles de son site Internet, au-delà d’une vingtaine de lectures.
En 2012, dans une interview accordée au Berliner-Zeitung, Jeff Bezos déclarait à propos de la presse en général (et de la presse papier en particulier): «S’il y a bien un chose dont je suis sûr c’est qu’il n’y aura plus de presse papier dans 20 ans. Tout juste peut-être quelques hôtels de luxe qui proposeront encore ce service, à leurs clients les plus fantasques». (…) «Et quant au Web, sur le Web les gens ne veulent pas payer l’information et il est trop tard pour que cela change».
Moins catégorique, pour marquer son arrivée à la tête du Washington Post, Jeff Bezos a adressé un courrier à tous les employés du journal, où il indique ne pas avoir de plan précis pour le titre de presse. Tout en soulignant, «Internet transforme pratiquement chaque élément du métier de l’information… Il n’y a pas de feuille de route et trouver la voie ne sera pas aisé. Nous allons devoir inventer, ce qui veut dire que nous allons devoir expérimenter». Aucun plan de départ n’est prévu pour les 2000 salariés du groupe et l’éditrice du journal, Katharine Weymouth, qui est aussi la nièce du président du conseil d’administration, Donald Graham, devrait rester en place.
«Il y a quelques temps nous nous sommes demandé si le simple fait de rester à la tête la Washington Post Company, serait la meilleure des choses pour le journal», a déclaré lundi Don Graham dans un entretien. «Pas simplement pour le garder à flot, mais pour en renforcer les positions.» (…) «J’ai demandé à Jeff Bezos pourquoi il voulait racheter le journal, et il m’a sorti les meilleurs arguments du monde: à savoir qu’il croyait en la presse et dans le Post, et que tout cela était vraiment important pour le pays».
Au-delà du simple fait d’acheter à la baisse, l’intérêt que suscitent aujourd’hui certains titres de presse prestigieux (fussent-ils en perdition) outre-Atlantique s’entend aussi du fait que les acquéreurs, qu’ils se nomment Warren Buffet, Jeff Bezos, Chris Hughes, ou John Henry, ont tous à l’esprit l’idée qu’un pays démocratique a besoin d’une presse riche et puissante. En France, certains actionnaires, ou propriétaires de journaux feraient bien de méditer sur la question.
- AMAZON.COM EN CHIFFRES / Rappelons que Jeff Bezos, achète le Washington Post, à titre personnel. Mais arrêtons-nous quelques instant sur Amazon.com. Créé en 1994 grâce à un prêt parental de 300 000 dollars par Jeff Bezos, qui ne l’oublions pas tout de même travaillait auparavant à Wall Street, Amazon est aujourd’hui le numéro un mondial du commerce en ligne avec un chiffre d’affaires annuel de 61 milliards de dollars (46 milliards d’euros, plus que Google) et une capitalisation boursière de 137 milliards de dollars.
- LA NOUVELLE ECONOMIE RACHETE-T-ELLE L’ANCIENNE? Plutôt que de verser dans le cliché journalistique, on parlera plutôt de passage de témoin. Qu’il semble lointain le temps où AOL «fusionnait» avec Time-Warner sur des sables mouvants. Aujourd’hui, c’est fortune faite (sonnante et trébuchante) que les investisseurs du Net rachètent une presse en perdition. En France, citons le cas emblématique de Xavier Niel (co-fondateur de Free / Iliad et désormais co-propriétaire du Monde). Aux Etats-Unis, hormis Jeff Bezos (19ème fortune mondiale, avec 25,2 milliards de dollars selon le magazine Forbes), on peut également évoquer Chris Hughes, co-fondateur de Facebook qui en mars 2012 reprenait le bi-mensuel The New Republic. La presse intéresse aussi des investisseurs plus traditionnels bien qu’atypiques. A l’instar d’un Warren Buffet qui a récemment racheté une kyrielle de journaux locaux aux Etats-Unis dont le Buffalo News ou le Omaha World-Herald. Aujourd’hui certains titres prestigieux cherchent encore, à l’image du Los Angeles Times, un repreneur.
Mon opinion sur le rachat du Washington Post par Jeff Bezos : c’est une excellente chose !
Pourquoi ? Lire http://bit.ly/BezosWP